Un compte-rendu de Nicholas Bell
Le 12 mai j’étais à Bruxelles pour participer à la consultation sur la bio-énergie organisée par la Commission Européenne qui a réuni environ 120 personnes. Beaucoup de représentants de l’industrie biomasse, de papier, de panneaux en bois, de la Confédération européenne des Propriétaires Forestiers… des chercheurs, des fonctionnaires de la Commission, et quand même une vingtaine de membres d’ONG ou collectifs comme le nôtre (Collectif SOS Forêt du Sud). Nous avons pu placer nos arguments à plusieurs reprises et j’ai parlé de la centrale à Gardanne qui est déjà assez connue comme un cas plutôt problématique.
La dimension de centrales comme Gardanne et Drax en Angleterre a été évoquée à plusieurs reprises, et surtout les distorsions de marché provoquées par les énormes soutiens publics accordés à ces entreprises. Il est évident que sans ces subventions ce genre de centrales ne verrait jamais le jour. L’exemple de Ghent en Belgique le prouve (voir article ci-joint). http://deredactie.be/cm/vrtnieuws.francais/Sant%25C3%25A9%2B%2526%2Benvironnement/1.2646562
L’ONG FERN, basée à Bruxelles, qui se bat pour la défense des forêts au niveau mondial, a fait des calculs révélateurs sur la dimension de ce fol engouement pour le bois-énergie industriel. Dans le cadre de ses prévisions énergétiques pour la période 2020-2030, l’Union européenne s’est donné comme objectif d’arriver à une part d’énergies renouvelables de 27%. Actuellement environ 60% des énergies renouvelables produites en Europe sont issues de la biomasse. FERN calcule que tous les arbres récoltés en Europe, sans exception, seraient nécessaires si l’Union européenne veut atteindre cet objectif de 27% et si la part de la biomasse reste celle d’aujourd’hui.
Selon une récente étude importante commandée par l’ADEME intitulée « Disponibilités forestières pour l’énergie et les matériaux à l’horizon 2035 » (voir ci-joint un résumé rédigé par Richard Fay, retraité de l’ONF vivant dans les Alpes de Haute Provence), selon tous les scénarios envisagés, la demande sera fortement supérieure à la disponibilité nationale en 2031-35. Cette étude contredit beaucoup d’estimations antérieurs qui indiquaient qu’il y avait largement la ressource pour toutes les nouvelles demandes. C’était le sens même du discours de Nicolas Sarkozy à Urmatt en 2009 : la forêt n’est rien d’autre qu’un trésor qui dort, à exploiter.
Le mythe de la carbone-neutralité a aussi pris plein de coups lors de la consultation à Bruxelles. Aucun des experts invités n’a soutenu ce thèse qui est mis en avant par les adeptes du bois-énergie à l’échelle industrielle.
C’est la première fois que la Commission Européenne lance un processus de consultations et d’études qui doit mener à la définition de la bio-énergie « durable ». A suivre de près, avec grande vigilance, car nous avons déjà vu à quel point l’Union européenne a pu se tromper dans l’affaire des agrocarburants.